La série de photographies Ground Zero de Denis Rouvre est à découvrir dans Chic !, une exposition au Musée Hébert à La Tronche (Grenoble)
Elle met en scène des employés d’Emmaüs Défi, vêtus d’habits et accessoires issus de leurs boutiques, revisités avec panache par des stylistes. Le tout installe une ambiance digne de scènes de films, et nous emmène dans une fiction d’anticipation originale.
Cette fiction haute en couleur présente une communauté de survivants à une catastrophe de grande envergure. Pour Ground Zero, Denis Rouvre est allé à la rencontre d’Emmaüs Défi à Paris, qui accompagne les personnes les plus éloignées de l’emploi. Re-mobilisées par le travail et aidées sur des questions de santé et de logement, elles occupent des fonctions de chauffeur, vendeur, standardiste… L’objectif est de leur redonner confiance en eux, une place dans la société et l’accès à des formations.
Cette structure d’insertion se base sur la collecte, le tri, la revente et revalorisation d’objets et vêtements de seconde main comme les autres structures d’Emmaüs. En plus de cela, ses membres récupèrent et transportent des invendus alimentaires qui vont fournir la base de repas à Radis, un traiteur solidaire et entreprise d’insertion. Ils agissent également pour l’environnement en limitant la production de déchets.
Les volontaires, des employés en réinsertion et des encadrants, se sont prêtés au jeu de poser pour ces tableaux photographiques pimentés. Ground Zero, qui désigne le point d’impact d’une explosion, propose d’imaginer comment des individus pourraient vivre dans un monde post-apocalyptique. Les classes sociales, les structures administratives, le progrès technologique et les moyens de communication auraient disparu. Les survivants, animés par leur instinct de survie, seraient alors amenés à créer de nouvelles façons de vivre ensemble.
“ C’est la personne que je rencontre qui va faire la force du portrait ”, raconte Denis Rouvre. L’artiste et son équipe de stylistes et maquilleurs ont mis en valeur ces employés d’Emmaüs Défi. Les décors somptueux de certains portraits de groupe entrent en résonance avec ceux des murs du Musée Hébert, ancienne demeure du peintre Ernest Hébert. Tous irradient d’une présence intense qui interpelle.
Il s’agit de “mettre en lumière des personnes qui sont habituellement dans l’ombre“. Denis Rouvre présente avec dignité des personnes qui connaissent une phase de rebond professionnel et personnel. Participer à un projet artistique réussi est valorisant et stimulant. Avec ce projet, “il y a eu de l’euphorie et plus de lien entre les gens“ explique une employée d'Emmaüs Défi. “Les salariés étaient ravis qu’un grand photographe prenne du temps pour eux”.
Pour Fabienne Pluchart, Directrice du Musée Hébert et commissaire de l’exposition, c’est l’occasion de faire entrer au musée des personnes appartenant à une catégorie sociale habituellement peu présente. “Le musée a un rôle à jouer dans le regard que l’on porte sur les gens et dans le fait de mettre en lien“, explique t-elle.
Mêlant des couleurs, matières et motifs de façon improbable et néanmoins avec beaucoup de panache, Ground Zero revisite ainsi les codes culturels, sociaux et de genre dans une esthétique tantôt ethnique, tantôt “ artisto-décadente ”, rock’n roll ou cyber-punk. Ces scènes rappellent des affiches de séries tv et de films d’époque, de gangsters ou d’anticipation. Le tout distille une atmosphère mystérieuse de roman policier.
L’exposition Ground Zero de Denis Rouvre interroge les codes sociaux, culturels et de genre que les vêtements véhiculent et leur potentiel subversif. Elle fait également écho à des questionnements sur l’impact économique et environnemental de la mode. C’est aussi une ode à l’inventivité. Fascinante et flamboyante, elle rend hommage à des personnes autrefois en marge de la société qui sont à présent en phase de rebond. Devenus acteurs de ce cercle vertueux de réemploi d’objets et de re-création, elle les sublime, à l’image des aristocrates et bourgeois dans les tableaux d’Ernest Hébert. Denis Rouvre a recours à des mises en scène similaires à celles de ces tableaux mais avec une touche de décalage et de fantaisie.
Si vous avez envie de plonger davantage dans ces thématiques, le Musée Hébert vous invite à participer à des évènements (films, lectures, séances d’essayage de vêtements, conférences, ateliers méditation, ateliers pour enfants…). A noter aussi, une journée Un dimanche chic et solidaire sera consacrée le dimanche 23 juin à un vide dressing engagé et des ateliers de création. Aussi, une collection 100% upcycling inspirée de la mode du XIXème siècle créée par les étudiants en design de mode du Lycée Argouges va être présentée. Enfin, plus largement, c’est toute la programmation de la Saison culturelle Des habits et nous qui nous propose des expositions, installations et événements dans le département de l’Isère.
Chic ! Au Musée Hébert à La Tronche
Denis Rouvre. Photographies | Du 17 février au 23 septembre 2024
Vêtements et élégance. 1800-1900 | Du 17 février au 22 juillet 2024
Entrée gratuite
“Des habits et nous”, Une Saison culturelle en Isère, 16 février 2024 - 30 septembre 2025
Crédit photographique Denis Rouvre, Ground Zero © Denis Rouvre
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Article rédigé par Frédérique Hellé